Nous avons rencontré les deux auteurs du manga français « Yokozuna », décrivant l’arrivée et la carrière dans le monde du sumô professionnel japonais de Chad Rowan, plus connu sous son shikona de lutteur, Akebono !
– Le sumô n’est pas un sujet très banal dans la bande dessinée ou les mangas français. Comment avez-vous eu l’idée de votre album et pourquoi Akebono ?
Je voulais écrire une histoire sur un aspect méconnu de la société japonaise, mais qui soit en même temps vraiment révélateur de cette culture. La thématique centrale du sumo s’est vite imposée, d’elle-même.
Trouver l’angle d’approche, par lequel j’allais pouvoir traiter ce sujet, m’a pris plus de temps. N’ayant jamais été au Japon et ne pratiquant pas le sumo, je n’avais, à priori, aucune légitimité à raconter une histoire sur ce sujet. À moins de trouver quelqu’un qui soit aussi néophyte que moi… ou presque.
Je me suis donc intéressé aux étrangers qui étaient venus au Japon pour devenir sumos professionnels. Ces gens portant un regard extérieur sur la culture japonaise, comme moi-même, cela me donnait une légitimité à raconter leur histoire.
Quand j’ai découvert l’histoire de Chad Rowan, sa vie m’a tout de suite parlé. Et j’ai eu envie de la faire découvrir à d’autres personnes.
Marc Van Straceele (dessinateur) : En tant que dessinateur, le sujet m’a été proposé en grande partie construit, et c’est justement son originalité qui m’a intéressée en premier lieu.
C’est un sujet que j’ai trouvé audacieux.
J’ai eu par la suite possibilité d’y insuffler, en plus des procédés graphiques, certains rythmes et, je l’espère, un peu de poésie dans les séquences.
– Etait-ce une idée difficile à vendre à un éditeur ?
JH : Oui. Tous les éditeurs à qui j’ai présenté ce projet ont admis que l’idée était originale et intéressante. Mais comment allaient-ils vendre ça à leurs lecteurs ? Kana a eu une approche très différente. Ils avaient très envie que cette histoire voie le jour.
– Quelle part de fiction avez-vous rajoutée par rapport à la biographie de Chad Rowan ?
JH – J’ai essayé de rester très proche de l’histoire de Chad, et de ne pas tomber dans la facilité de tel ou tel raccourci. Car son histoire est compliquée, finalement.
L’un des attraits de cette histoire était de découvrir le Japon et sa culture. Du coup, il m’a semblé important de m’éloigner de l’aspect purement biographique pour bien traiter cet aspect-là.
Marc a voulu insuffler beaucoup de moments contemplatifs dans l’histoire. Ces temps suspendus ont aussi nécessité de mettre un peu de côté le parcours de cet homme.
Et finalement, je me demande si ce que l’on retient de cet œuvre, n’est plus la découverte de cette culture extraordinaire et de cette époque, que la vie d’Akebono !
JH : J’ai lu beaucoup d’albums sur le sumo. J’ai regardé plusieurs documentaires. Et j’ai lu plusieurs biographies de sumo.
Concernant la vie d’Akebono, je me suis servi de l’excellente biographie de Mark Panek : Gaijin Yokozuna: A Biography of Chad Rowan, que j’ai complété par la lecture de nombreux articles de journaux.
MVS : N’étant jamais allé au Japon, il était nécessaire d’avoir une documentation rigoureuse pour traiter un sujet tout aussi rigoureux.
J’ai utilisé énormément de photos de voyage, libres sur internet, visionné beaucoup de documentaires et décortiqué des vidéos de tournois pour reproduire des prises et cérémoniels que je ne connaissais pas du tout.
J’ai passé aussi beaucoup de temps à me questionner sur le style graphique à utiliser.
Il était nécessaire, selon moi, de montrer la subtilité et la délicatesse qui émanent de cet univers, pour passer au-delà de préjugés et retranscrire au plus près possible certaines sensations.
– À quelles difficultés vous êtes-vous confronté pendant sa réalisation ?
JH : La phase de documentation a été très longue. Plus j’approfondissais chacun des aspects que je voulais traiter dans l’histoire, sujet, plus j’en découvrais les subtilités, ou au contraire les zones d’ombre, qui nécessitaient d’être éclaircies. Du coup, je n’arrivais pas à me défaire de cette phase.
Et ensuite, j’ai mis beaucoup de temps à trier, organiser et éliminer des informations, surtout ! C’est ça qui a été le plus dur, pour moi. Quand on a passé des semaines à regrouper des informations, il est parfois difficile de s’en séparer.
MVS : Ma difficulté principale a été d’ordre graphique, pour différencier les protagonistes de l’histoire et leur attribuer des distinctions graphiques autres que vestimentaires. Un mawashi est relativement succinct pour caractériser une personne.
– Quelle vision aviez-vous sur le sumô avant l’album ? Et après, qu’est-ce qui a changé ?
JH : Avant, j’avoue que je ne connaissais quasiment rien à ce sport. Et surtout, je pensais que ce sport n’était pas très complexe / subtile.
Après, tout a changé. J’aime ce sport. Et j’ai vraiment hâte d’aller au Japon pour assister, enfin à un combat de sumo.
MVS : J’avoue ne jamais m’être intéressé au sumo auparavant, principalement, je pense, en raison du manque de visibilité de cet art.
J’étais beaucoup plus tourné vers les formes d’art graphiques japonais.
Étant toujours néophyte en la matière, j’arrive quand même désormais à décrypter certaines gestuelles dans les rituels et me rendre compte de la dévotion dont font preuve ces athlètes. Je suis très respectueux de cette dévotion.
– Le sumô et l’esprit japonais ont-ils eu une influence sur le graphisme utilisé dans les albums ?
JH : Je laisserai Marc répondre à cette question.
MVS : Énormément selon moi, et j’espère que ça transparaît au fil des pages.
Les références aux arts asiatiques comme l’estampe, la calligraphie, les notions de plein et de vide, l’épure, ont accompagné toutes mes questions sur la réalisation de mes dessins.
Pour insuffler des temps en suspens, des temps de latence, où juste certaines sensations priment, il m’était nécessaire de réfléchir au rythme, au cadrage autant qu’au traitement des dessins au lavis d’encre de Chine.
– La vie de Chad Rowan vous a-t-elle incité à suivre de plus près les tournois de sumô ?
JH : Pendant l’écriture de l’album, oui, bien sûr… Mais depuis que son écriture est finie, je ne suis plus ces tournois. Peu de temps et beaucoup de nouveaux sujets qui m’intéressent.
JH : Non… Oui, j’adorerais faire cela !
MVS : C’est quelque chose qui me plairait énormément. Être en immersion et palper un petit peu les ambiances et atmosphères que j’ai pu essayer de retranscrire. Que ce soit dans une heya ou au Kokugikan par exemple, sentir les ambiances et l’effervescence serait une manière de boucler la boucle.
Le documentaire de Jill Coulon m’a permis de m’immiscer un petit peu dans ce mode de vie, en y entrant par la petite porte et en s’intéressant aux hommes et leur dévotion plus qu’à leurs niveaux et leur médiatisation.
– Avez-vous d’autres projets liés à des personnages du sumô ?
JH : Non.
– Vos prochaines publications ?
JH : ça, c’est encore top secret… Désolé. 🙂
MVS : C’est en cours de travail et pour l’heure toujours secret
Merci beaucoup de nous avoir consacré un peu de temps !
En bonus retrouvez l’interview de Jérome Hamon donné sur TV5 Monde :
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La biographie d’Akebono Gajin Yokozuna est disponible en français sur Dosukoi dans la rubrique Libraire. De nombreux autres livres et documents sur le sumo vous y attendent. Ce livre est également disponible en version anglaise.
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