Nos entretiens

Paris Sumo : entretien avec Antoine Marvier

Paris Sumo, le club français du sumo amateur

 Nous avons la chance d’avoir à Paris un club de sumo, Paris Sumo. Créé par des fondus du sport il y a plus de 7 ans, le club est devenu la référence en France concernant le sumo amateur. Nous avons rencontré son président, Antoine Marvier :

Dosukoi : Le sumo en France, ce n’était pas un rêve un peu fou ? Par quel biais as-tu découvert le sumo ?

 J’ai découvert le sumo dans les années 90. À ce moment-là, je suivais les tournois de très loin. C’était surtout un hasard, quand je tombais sur les rediffusions. Je ne m’y suis intéressé de près qu’à partir de l’année 2004, grâce à internet, aux différents sites, aux différents liens de streaming.

 D : Le sumo en France, un rêve un peu fou ?

 Oui, si on part dans l’idée de monter une heya avec 20 lutteurs et des entraînements quotidiens. Sinon, il s’agit juste de pratiquer un sport, de mettre en place les meilleures conditions pour cette pratique, et les meilleures conditions possibles pour la faire découvrir aux autres.

 

 D : Pourquoi choisir de créer un club de sumo, et pas un club de lutte ou de boxe thaïlandaise ?

Le but, dans le sport, c’est de trouver celui qui vous correspond le mieux, mentalement et physiquement. Par exemple, pour moi, un sport comme le karaté demande trop de contrôle sur soi, la boxe anglaise ou Thaïlandaise, il faut donner des coups, faire mal, avec tous les traumatismes que cela peut entraîner sur certaines parties du corps, surtout sur le cerveau. La lutte aurait pu m’attirer, mais cela manque de lisibilité, ainsi, le but d’un combat ne me paraît pas flagrant au premier abord. Même un sport comme le judo, que j’ai pratiqué pendant plus de vingt ans, et que je continue encore à pratiquer de temps en temps, me met trop sous tension.

À l’inverse, le sumo me libère. Il y a la générosité dans le corps à corps, l’obligation de se « laisser aller », le défoulement, « l’urgence » des combats qui ne vous permet pas de réfléchir, mais toujours de vous adapter en suivant son instinct. La simplicité des règles aussi, et le côté ludique de ces mêmes règles.

D : Le club de Paris Sumo est-il en rapport avec les instances sportives nationales françaises, avec le sumo professionnel japonais, la Nihon sumo Kyokai ou avec des heyas ?

En rapport avec les instances françaises : Non, rarement. On a fait connaître à la FFJDA notre existence. On a même tenté de s’affilier à cette fédération, mais il n’acceptait cette affiliation qu’au titre de « club de judo ». Or, ce qui nous intéressait, c’était justement d’être reconnu comme licencié de sumo. Sinon, la FFJDA nous a prêté son Dojo de l’INJ à deux reprises, une fois pour un reportage sur France 2, une autre fois pour la venue de Takanohana.

Avec le sumo professionnel : non, aucun rapport ni aucun lien, sinon que certains parmi nos membres sont déjà allés visiter des heya et voir des tournois au Japon. Et bien sûr, la visite que nous avons reçue de Takanohana.

D : Tu peux nous en dire plus sur cette visite ?

C’est un très bon souvenir, d’abord parce qu’il y avait du monde pour assister à la séance, on devait avoir une bonne trentaine de spectateurs, avec des fans de Sumo. Certains venaient de loin (Bordeaux, Toulouse…). Il y avait aussi des enfants. Ensuite, il nous a surtout montré le Shiko (que l’on essaye aujourd’hui de reproduire à l’identique au club) et quelques exercices d’assouplissement. Évidemment, on était loin du compte. C’est vraiment sa qualité gestuelle, qui est impressionnante, sa souplesse. Il était à peine monté sur le tapis qu’il faisait le grand écart facial. On sentait aussi encore une très grande réserve de force et de vitesse dans chacun de ses mouvements. On a eu le droit aussi à quelques explications sur le rôle de la respiration lors des combats.

De notre côté, on a juste enchaîné quelques combats devant lui. J’avais aussi préparé avec un collègue, deux « combats chorégraphies », qui reprenaient chacun un combat de sa carrière (l’un contre Chiyonofuji, l’autre contre Asashoryû) ; le jeu était bien sûr qu’il devine, et il a deviné à chaque fois. Je crois que ça l’a amusé. Sinon, humainement, il a une personnalité assez étrange, il est très « dans sa bulle », assez difficile à cerner. Notre seul regret, c’est de n’avoir pas pu lui proposer un dohyô en terre, parce que là, il aurait enfilé le mawashi. Ça aurait été quelque chose !

D : Je crois que le club a beaucoup de contacts avec les médias. N’as-tu pas peur de devenir la bête curieuse qui permet de faire un article qui sort de l’ordinaire ?

Ma foi, c’est aussi à notre avantage, d’être aujourd’hui cette « bête curieuse ». C’est ce qui permet de nous faire connaître, d’attirer autant les médias. Et c’est de toute façon un passage obligé.

 Après, ce qui compte, c’est dans notre dialogue, d’enlever ce côté « bête curieuse » et de nous présenter de la façon la plus simple qui soit, de présenter la pratique du sumo comme quelque chose de très abordable, de faire taire les « clichés » qui sont alliés à ce sport.

D : Parlons technique : retrouve-t-on à Paris Sumo les techniques d’entraînement traditionnel : keiko, shiko, suri-ashi, mata-wari ?

Il faut comprendre que le club est parti de zéro, on a donc été obligé de tout « réinventer ». Ainsi, nos entraînements ne sont pas figés, on cherche toujours de nouveaux exercices, de musculation, d’assouplissement, ou des exercices pour améliorer notre technique. Aujourd’hui, on est arrivé à un contenu qui me semble cohérent.
Les shiko : oui, par série de 20 ou de 30, avec des exercices d’assouplissement entre chaque.
Le suri-ashi : oui, 5 longueurs d’une dizaine de mètres, avec des séries de pompes entre chaque longueur.

Il faut aussi savoir qu’au-delà de la quantité, c’est surtout la qualité dans la réalisation de ces exercices, qui est importante.

Pour le mata-wari, c’est plus compliqué, car la souplesse demande  une pratique quotidienne. Donc, dans ce domaine, chacun fait au mieux de ses capacités. On ne va pas se mettre à deux pour forcer un lutteur à poser le nez au sol avec les jambes à 180°. Ce genre de traitement ne se justifie pas pour une pratique de loisir.

Après, là où l’on diverge des entraînements traditionnels, c’est que l’on va effectuer plein de petits exercices plus ou moins « exotiques » :

– Des Tai-chai, avec une personne en vis-à-vis qui vous retient pour obliger les cuisses à  travailler dès le premier mètre.

– Des allers-retours de yorikiri, avec ou sans mawashi, où la personne qui pousse doit s’appliquer à garder la meilleure posture possible, tandis que la personne qui subit, doit surtout s’appliquer à trouver les failles dans la poussée de son vis-à-vis afin de l’obliger à ajuster sa position en permanence, de l’obliger à batailler avec les bras pour avoir la meilleure position de mains possible – Des petits affrontements en lignes, d’Oshi-zûmo par exemple.

– Et aussi du travail sur des techniques plus précises.

J’en suis même venu à commencer à mettre au point une sorte de Kata. D’une part pour nos démonstrations. Et d’autre part, pour avoir l’occasion de « tester » et de « comprendre » un panel de kimarite le plus large possible. Il s’agit avant tout de « sensations ». Nos entraînements n’ayant lieu qu’une fois par semaine, notre but est d’en tirer le meilleur profit possible.

D : Utilisez-vous les mêmes kimarite que les lutteurs professionnels ? Y a-t-il des prises réservées à ces lutteurs et interdites aux amateurs ?

En moyenne, on utilise les mêmes kimarite. Après, on va faire attention sur certaines, comme le nodowa (prise à la gorge) qui, pour ne pas être dangereuse, doit être parfaitement maîtrisée. Le nodowa est d’ailleurs interdit en sumo amateur. Ou encore des techniques comme tottari ou kotenage, heureusement plus rares, mais qui peuvent être traumatisantes pour les coudes et les épaules. On va aussi faire très attention aux cervicales. Les départs têtes baissées sont interdits au club, tout comme le fait de pousser son adversaire avec le sommet du crâne.

D : Quel public vient lutter au club ? Est-il facile d’attirer les jeunes au sumo ?

Il n’y a pas de « pratiquant » type, chacun vient d’un univers qui lui est propre. Le résultat est un assemblage de personnalités plutôt hétéroclites.

Facile d’attirer les jeunes : non, pas plus que les vieux non plus. Le sumo n’est pas un sport olympique, on en parle que rarement dans les médias, il souffre aussi de son image (du fameux : « les deux gros qui se poussent en string ! »). Dommage, d’autant plus qu’en général les tout jeunes (moins de 10 ans) adorent le pratiquer, c’est pour eux très ludique. Mais je n’ai pas encore le temps de proposer des séances pour les plus jeunes, sauf de temps à autre, à Vincennes.

D : Le club a-t-il une politique de participation aux compétitions amateurs et de développement de lutteurs de haut niveau ?

On commence aujourd’hui à s’intéresser à la compétition, à s’en rapprocher doucement. On a participé à notre premier open l’année dernière, à Rennes, en Suisse. Maintenant, on manque de temps et d’argent pour organiser des voyages plus lointains. Mais j’espère un jour nous voir présent sur un championnat d’Europe, ou même du Monde.

Quant à développer des lutteurs de haut niveau, avec un seul entraînement par semaine, ce n’est pas tout à fait envisageable. À moins que ces lutteurs soient déjà des lutteurs de haut niveau en judo, par exemple.

  D : Quels conseils peux-tu donner à un lutteur débutant ?

Juste qu’il est le bienvenu au club de Paris Sumo. Après, pourvu qu’il y trouve son plaisir…

D : Tu es très loin du monde du sumo professionnel : quelle est ta vision sur ce microcosme ?

Je suis un spectateur assidu du sumo professionnel. J’ai mes lutteurs favoris, que je suis d’un tournoi à l’autre, dont je surveille la progression. Je suis aussi bluffé par l’explosivité, l’agilité, la force, la souplesse des lutteurs de haut de tableau. Après, le sumo, pour moi, est avant tout un sport, donc je ne suis pas un grand passionné de tout ce qui a attrait aux traditions, aux rituels, même si je reconnais qu’ils peuvent avoir une certaine importance.

Maintenant, je ne suis pas aveugle, et le sumo professionnel a pour moi un gros « point noir ». Pour cela, il faut aller jeter un œil aux divisions les plus basses, dans laquelle on va voir des lutteurs qui ne verront jamais la juryô, ni la makuuchi, qui n’étaient sans doute pas doués pour ce sport au départ, et à qui l’on a fait quand même prendre du poids. Le résultat est douloureux à voir, avec des lutteurs bien trop gros, qui peinent à se mouvoir. J’appelle cela « la cour des miracles ». C’est le côté « destructeur » du sumo. Cela n’a aucun sens.

Pour moi, un lutteur ne devrait être autorisé à prendre du poids qu’à mesure qu’il parvient à progresser dans le banzuke.

Après, le côté microcosme n’a rien de si particulier, on n’est pas loin de retrouver la même chose dans les centres de formation de football, ou dans les écoles de champion de gymnastique en Chine. C’est du sport de haut niveau, avec ses drames, ses échecs, ses réussites.

D : Un petit mot pour motiver tous les visiteurs de Dosukoi de venir essayer le sumo à Paris Sumo ?

Les visiteurs sont toujours très bien accueillis, quel que soit leur âge, leur sexe. Nos séances se déroulent dans une très bonne ambiance, à la fois détendue et studieuse. Quant au sumo, le meilleur moyen de s’en faire une idée plus précise, c’est d’en tester la pratique.

Merci à Antoine et Paris Sumo !

En bonus retrouvez l’interview d’Antoine Marvier sur le plateau de l’Equipe 21 TV :

Informations sur Paris Sumo :

Horaires :

Tous les dimanches de 9h45 à 12h30

Lieu :
Salle des Arts Martiaux du Gymnase Jean Dame
17, rue Leopold Bellan, 75002 PARIS

Accès :
métros Sentier, Les Halles, Bourse, Etienne Marcel
RER Châtelet – Les Halles

Contact :
Mail : info@paris-sumo.fr
Tél : 06 70 68 62 71

Si vous aussi vous souhaitez pratiquer le sumo à Paris toutes les informations sur le site de Paris Sumo

Yohann

J’ai découvert le sumo lors du fameux tournoi de Paris et depuis je suis resté fasciné par toutes ces traditions et ces cérémonies au point de me consacrer pleinement à ce sport (lire la suite).

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