Les Sumos de Ryôgoku vient de paraître, rencontre avec son auteur.
À l’occasion de la sortie du livre Les Sumos de Ryôgoku (Disponible depuis le 22 novembre 2012 en librairie), Dosukoi a eu l’occasion de rencontrer de passage à Tokyo son auteur Gilles Bordes-Pages, un passionné de photo et de sumô! C’est dans un chaleureux restaurant de chanko situé au cœur du quartier de Ryôgoku que Gilles s’est plié avec plaisir à l’exercice de l’interview pour nous parler de son quatrième ouvrage.
Bonjour Gilles, pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
D’où vous vient cette passion pour la photographie ?
Gilles Bordes-Pages : Mon père était cameraman de profession et faisait un peu de photo quant à ma mère, elle était professeur de dessin. En fait, j’ai constamment été bercé par l’image et j’ai l’impression que c’est depuis toujours.
Vous venez souvent au Japon, qu’est-ce qui vous attire dans ce pays ?
Gilles Bordes-Pages : C’est le côté mystérieux d’une culture qui est difficile à pénétrer, mais surtout c’est le respect dont font preuve les Japonais. Respect à l’égard des choses, respect à l’égard des autres et des étrangers et en fait, je m’y sens bien.
Mon métier consiste à voyager mais c’est dans ce pays que je me sens le plus à l’aise. J’ai un sentiment de sécurité ici, j’aime aussi la nourriture, les paysages, les gens… c’est vraiment un plaisir d’être au Japon. J’y viens aussi bien en vacances que pour y travailler.
Et le sumô dans tout ça, c’est arrivé quand et comment ?
Gilles Bordes-Pages : C’est arrivé par la photographie. J’ai trouvé que c’était esthétique, mystérieux et comme j’aime faire des photos de sports, je pensais que le sumô réunissait tous les ingrédients pour avoir de belles images. C’était aussi une sorte de pari parce que le sumô est très fulgurant, extrêmement dynamique et donc compliqué à photographier.
Le côté rituel de ce sport, les variétés de couleurs dans les costumes d’apparat, tous ces contrastes donnent de belles prises de vues. Il y a aussi également des instantanés à saisir avec des gestes et des traditions qui sont beaux.
Aujourd’hui, j’y vais encore pour la photo, mais en plus de ça, quand on commence par comprendre un peu plus ce sport avec le détail des prises qui sont utilisées par exemple, ça m’intéresse aussi. Désormais, je n’y vais plus uniquement pour la photo mais aussi parce que j’aime ce sport.
Les règles paraissent complexes pour les non-initiés, comment résumeriez-vous ce sport ?
Gilles Bordes-Pages : Je pense que les rituels sont longs et particulièrement compliqués pour les non-initiés, mais les règles elles-mêmes sont assez simples. Pour moi, il y a une règle principale et ensuite ce sont des multitudes de prises gagnantes. La règle principale est tout de même relativement basique : pousser en dehors du dohyo le concurrent ou bien lui faire toucher le sol autrement que par la plante des pieds.
Je pense que c’est simplisme par rapport à certaines luttes anciennes toujours pratiquées. Mais pour en revenir au sumô, c’est un sport relativement rustique en revanche, le cérémonial avec les références religieuses en fait quelque chose de compliqué à aborder. Après, ce qui rend le sumô encore plus difficile, c’est la multitude des prises. Aujourd’hui, elles sont plus nombreuses à être homologuées qu’il n’y en a dans d’autres sports de combat.
C’est un sport qui est très riche et même les spécialistes ne sont des fois pas d’accord entre eux pour déterminer quelle prise a été utilisée.
Le travail pour ce livre a été fait de manière minutieuse, quelles ont été vos méthodes de travail ?
Gilles Bordes-Pages : Pour les photos, cela représente 3 années de travail lors des tournois qui se tiennent à Tokyo.
Pour le texte, j’ai essayé de restituer ce que j’avais compris du sumô. J’ai conscience que ce n’est pas complet et que certains spécialistes pourraient en dire davantage mais je voulais que ce livre soit éducatif pour les gens qui désirent approcher ce sport et qu’ils ne soient pas déroutés par l’absence de connaissance.
J’ai essayé de dire les choses simplement et qui faisait partie de mon apprentissage. Le travail sur les textes a principalement vocation à expliquer aux autres ce que j’avais compris en trois ans d’expérience du sumô.
Des difficultés particulières lors de vos recherches pour cet ouvrage ?
Gilles Bordes-Pages : Oui, d’abord par le trop grand nombre de photos que j’avais prises, les remettre dans l’ordre et identifier les moments importants était difficile !
La gestion du stock d’images était un peu compliquée. Ensuite, j’ai eu quelques problèmes avec les orthographes et les étymologies. Je me suis beaucoup référé au site de la fédération nationale de sumô pour les noms (le site étant disponible en anglais), ceux-ci parfois varient de notre langue. En français, nous mettons des accents que les anglophones n’utilisent pas.
Lors de votre travail d’investigation, y a-t-il eu des choses sur le sumô qui vous ont surpris ?
Gilles Bordes-Pages : Il y avait beaucoup de choses que j’ignorais complètement, en particulier la vie dans les heya, la façon dont les non-titulaires grandissent, vivent ensemble, dorment dans des dortoirs mais tout ça, je l’avais découvert dans le livre de Kirishima.
Une autre chose que j’ai découvert, c’est lors des combats, je pensais que c’était l’arbitre sur le dohyo qui demandait aux juges leurs avis quand il n’était pas en mesure de départager le vainqueur. En fait, ce sont les juges qui décident de monter sur le dohyo de leur propre initiative.
Quel a été votre meilleur souvenir de sumô lors de vos reportages ?
Gilles Bordes-Pages : C’est sans aucun doute un entraînement où j’ai assisté juste avant le tournoi de janvier. C’était la semaine qui précède le basho et normalement, c’est fermé au public mais par un concours de circonstances, j’ai réussi à y assister et il y avait le yokozuna Hakuhô! Ce jour-là, uniquement des journalistes avaient l’autorisation d’y assister mais ils m’ont laissé tout de même entrer et j’ai pu voir un entraînement magnifique et d’autant plus appréciable qu’il n’y avait pas de spectateurs en dehors des journalistes accrédités. C’est quelque chose qui reste gravée notamment qu’il y avait ce jour-là une très belle lumière et une ambiance électrique.
Un autre souvenir marquant, c’est quand Hakuhô avait gagné des dizaines de combats consécutifs, il approchait d’un record absolu, il avait sur lui une énorme pression mais dans ce basho, il a perdu au moins un match ce qui a interrompu son parcours. Ces images sont dans le livre bien sûr mais elles restent dans ma mémoire. C’est un très bon souvenir !
Sinon, des lutteurs favoris ?
Gilles Bordes-Pages : J’aime bien Hakuhô parce qu’il a l’air gentil et a un vrai comportement de yokozuna. J’aime aussi Harumafuji, ces derniers temps, il a pris son rôle de challenger au sérieux. J’aimais bien le côté intelligent qu’avait Baruto dans le jeu, dans ses combats… mais ce n’est pas à proprement parler des favoris.
Il y a des lutteurs que j’aime bien aussi pour leur morphologie comme le tchèque Takonoyama. Je trouve que c’est un sportif accompli et j’espère qu’il va aller loin malgré son physique très svelte. J’aime bien que les gens pratiquent un sumô noble, ceux qui gagnent en faisant des coups tordus ou en profitant des faiblesses de l’adversaire m’agacent un peu.
Votre parcours atypique est un bel exemple pour ceux qui veulent en faire de même, un conseil à leur donner ?
Gilles Bordes-Pages : Je pense que si les gens ont la passion qui les anime, ils trouveront le conseil tout seul. Le moteur, c’est la passion ! Il faut être opiniâtre, ne pas hésiter à y consacrer du temps.
Un prochain ouvrage est-il prévu et si oui, il portera sur quel sujet ?
Gilles Bordes-Pages : C’est déjà en chantier, ça sera un ouvrage qui renoue avec mes livres précédents et qui devrait sortir en 2013. Ça portera sur un avion utilisé par l’armée française et allemande qui s’appelle le Transall et qui va fêter ses 50 ans.
Merci beaucoup Gilles.
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