Et maintenant, sur qui compter ?

Vers quel rikishi se tourner maintenant que le plus grand de tous ne joue plus ?

Maintenant que nous avons digéré l’annonce de la retraite de Hakuho, il faut se préparer pour la suite. Parce que la crainte de certains d’une chute de la popularité du sport depuis cet évènement n’est pas infondée : peu d’autres figures ont atteint un tel rang. La renommée du 69ème Yokozuna était telle qu’on imagine difficilement qui pourrait le rejoindre à ce niveau. On peut néanmoins se dire que, bien qu’aucun lutteur n’atteindra sûrement ce niveau et cette cote parmi les fans et les non-initiés, ils peuvent s’en rapprocher et c’est à nous, fan du sport, de supporter ceux qui nous semblent meilleurs et de les aider à grandir via notre soutien. Car la première division regorge de qualités et de styles bien différents. Dans cet article, nous nous attarderons sur les rikishis qui vont sûrement beaucoup nous montrer dans les années à venir, ceux sur qui il faut compter pour devenir les nouvelles stars, alors que le sumo entre vraisemblablement désormais dans une nouvelle ère.

  • Terunofuji, le principal danger… pour longtemps ?

Évidemment, c’est le premier nom qui vient lorsque l’on pense au meilleur rikishi du moment. C’est celui qui fait peur à toute la première division, le réel défi de chaque lutteur, et surtout celui qui a remporté le plus de championnats récemment. On peut d’ailleurs aisément se dire qu’il aurait remporté celui de Nagoya sans la présence de Hakuho (puisqu’il finît le Bashô à 14-1). Lorsque l’on s’intéresse à son style, c’est sa solidité qui est d’abord remarquable : une fois qu’il attrape le mawashi adverse il est très dur de sortir de ses griffes. Il est aussi capable de prendre le rôle d’un pusher-thruster, mais jamais longtemps. Il aime donner le rythme, être celui auquel on s’adapte, et les fois où il a été surpris et battu c’est parce que son adversaire l’attaquait là où il ne s’attendait pas et le forçait à bouger quand il préfère attraper directement (exemple de Daieisho et Meisei lors du dernier tournoi). Reste que Terunofuji est désormais le seul Yokozuna, et sera le favori des prochains tournois. Force est de constater qu’il est le meilleur, en tout cas pour l’instant, car sa blessure aux genoux, qui lui a de nombreuses fois portée préjudice, a de quoi inquiéter. On est en droit de se demander s’ils tiendront longtemps, et si la dominance du lutteur de l’Isegahama beya perdurera. Terunofuji pourrait connaître des problèmes importants à ce niveau, peut-être dès 2022. Alors sa carrière de Yokozuna n’aura pas été de longue durée. Mais on peut aussi être plus optimiste pour lui et se dire qu’il est pour l’instant admis que c’est lui qui mènera la danse jusqu’à l’année prochaine et qu’au moins un titre l’attend encore. Mis à part lui, voyons désormais qui font figures de principaux concurrents.

Le 73ème Yokozuna Terunofuji

  • Takakeisho, Shodai, et Mitakeumi, les san’yaku en principaux opposants

Ces trois hommes sont actuellement les trois rikishis semblant les plus solides. Les deux premiers sont ozekis tandis que le troisième est sekiwake, mais les trois ont des résultats positifs sur les derniers tournois. Tous dans des styles différents, parfois opposés,, ils sont ceux dont on attendra le plus lors des prochains championnats, d’une part par rapport à leur rang de san’yaku, qu’ils tiennent depuis un moment (surtout Takakeisho, ozeki depuis 2019), mais aussi car ce sont chacun des guerriers qui abandonnent rarement et montrent toujours une vraie âme de combattant. Cela étant, il est vrai que des doutes peuvent subsister sur la qualité des ozeki face au Yokozuna, surtout quand on les compare à d’autres qui luttaient il y a quelques années. Certains spectateurs avouent ne pas voir en eux les vrais rivaux du champion Terunofuji et parlent même parfois d’une crise de ce rang, comme si ses actuels tenants ne le méritaient pas vraiment. Même si la régularité ne soit pas leur force la plus remarquable, (et encore, comme évoqué plus tôt ils ont souvent kachi-koshi) ils peuvent montrer du très bon sumo et aller titiller le Yokozuna. C’est en tout cas ce qu’on aimerait, voir de gros clashs entre les mieux classés de la première division.

Takakeisho contre Mitakeumi en 2019

  • Takayasu et Ichinojo, solides mais des doutes subsistent

Les deux actuels Komosubi n’ont récemment pas montré le meilleur de leur forme. Si on connaît leur qualité, leurs forces et que l’on sait qu’ils font partie des meilleurs rikishi de la scène actuelle, ils donnent l’impression de souvent passer à côté de matchs. D’un côté Takayasu, peut-être le meilleur des deux, semble avoir sa prometteuse carrière d’ozeki derrière lui, et on a du mal à le voir comme un vrai danger face au haut du banzuke. Si son dernier tournoi raté cache de très belles réussites cette année et l’année dernière, il paraît légitime de trouver le lutteur de la Tagonoura beya en perte de vitesse. À 31 ans, il est plus proche de la fin de sa carrière que du début, et même s’il est toujours capable de nous surprendre, on commence à le voir. Ichinojo a raté son retour en san’yaku malgré son kachi-koshi (8-7), paraissant souvent faible et peu motivé. Ayant eu une carrière en montagne russe, le lutteur mongol est très apprécié pour sa solidité. Il pourrait sûrement se hisser plus haut mais montre certaines limites face à des styles plus vifs et mouvants. Il peut toujours surprendre, ce qui fait sa force mais aussi sa faiblesse lorsqu’il se retrouve dépassé par des adversaires contre qui on le voyait gagnant. C’est ce qui fait la force de ce sport, c’est aussi ce qui fait qu’Ichinojo peut à la fois peser davantage sur les championnats, à la fois rester un de ces lutteurs qui est toujours à la limite de pouvoir s’imposer, sans devenir un incontournable. Ces deux hommes sont actuellement dans un entre-deux qui ne permet pas de nous faire dire qu’ils sont vraiment des opposants forcément sérieux pour le Yokozuna.

  • Daieisho et Takanosho ont prouvés leur valeur mais aussi leur inconstance

Moins des valeurs sûres que les précédents rikishis cités, ils font néanmoins partie de ceux qui font en quelque sorte le lien entre le haut du panier et les maegashira. Les deux ont déjà été san’yaku, respectivement komosubi et sekiwake, mais sont redescendus à cause mauvais résultats. Mais chacun a les armes pour revenir et livrer de grands combats (lors de dernier tournoi, Daieisho a reçu le prix de la performance exceptionnelle). On pourrait imaginer pour eux une carrière d’aller-retour entre le haut et le milieu de la première division. Même s’ils ont connu quelques désillusions, ils sont capables de grandes choses et on peut imaginer qu’ils auront leur mot à dire lors des prochaines années. Reste à savoir s’ils pourront être plus réguliers dans leurs performances. En suivant la bonne lancée retrouvée au dernier tournoi, un retour en komosubi pourrait ne pas être loin (bien que Takanosho n’avait pas su faire mieux que 7-8). Dans cette situation, nous pouvons aussi évoquer Endo, souvent promis à une grande carrière mais qui peine à garder ses rangs plus hauts-placés. Il est néanmoins toujours dans les meilleurs maegashiras.

Daieisho recevant son titre en janvier 2021

  • Meisei, Hoshoryu et Wakatakakage, les jeunes sur qui miser ?

Nous avons jusqu’ici évoqué les lutteurs plus confirmés, qui occupent depuis plusieurs années pour certains les premières places du banzuke, bien que Takanosho et Daieisho ne soient pas (encore) au même niveau, tout en faisant partie d’une nouvelle génération qui doit se détacher et marquer la nouvelle ère post-Hakuho. Intéressons-nous alors aux rikishis plus jeunes qui devront faire partie de cette génération. Ces trois hommes, âgés respectivement de 26, 22 et 26 ans, ont faits sensations depuis 2020 disons, et se sont fait remarquer comme d’excellents lutteurs à qui on promet déjà une belle carrière. Mouvements, technique, énergie, dans des styles assez différents, les trois peuvent être mis en parallèle par la vitesse qu’ils mettent dans un match : ils ne sont pas les plus grands, n’ont pas le physique le plus imposant mais savent se sortir de beaucoup de situations du fait de leurs qualités. Si Meisei est actuellement celui qui a le plus fait ses preuves (son titre de sekiwake l’en félicite), Wakatakakage était parvenu à atteindre komosubi avant de redescendre, tout comme Daieisho au début de l’année. Ces rikishis font partie de ceux vers qui les regards seront le plus tournés désormais, aux côtés de Takakeisho (25 ans) par exemple. Ce sont de jeunes lutteurs mais déjà bien installés. Reste Hoshoryu, neveu du mythique 68ème Yokozuna Asashoryu et jeune prodige à qui on promet déjà beaucoup de choses. Il est dans la même beya que Meisei, et si une blessure ne l’avait pas fait perdre son rythme lors de l’Aki Bashô 2021, il l’aurait sûrement rejoint en san’yaku. Il faudra encore attendre, mais on peut être sûr qu’il ne s’arrêtera pas là. S’il n’a pas la fougue et l’esprit de provocation de son oncle, il semble quand même avoir hérité d’une certaine technique et d’un sens du spectacle qui plaît aux fans de la discipline. Nous vous conseillons le grand match qu’il a livré face à Wakatakakage lors de ce même Aki Bashô : tous deux très impressionnants, les deux hommes pourraient se livrer à cet exercice de plus en plus souvent s’ils se retrouvent dans les mêmes zones du banzuke.

Meisei

  • Ura, Enho, Ishiura … style et popularité

Un rapide paragraphe pour évoquer d’autres lutteurs, installés ou émergents, qui jouissent d’une très belle côte de popularité. Deux sont maegashira tandis qu’Enho est toujours en Juryo, la deuxième division. Mais les espoirs sont de son côté, et désormais aidé par Hakuho entraîneur, on pourrait bien assister à une belle progression. Ura a souvent souffert de résultats qui ne suivaient pas ses performances, mais son style assez caractéristique, tentant de nouvelles prises à chaque combat, a contribué à façonner un personnage sympathique qui a un grand soutien, encore plus fort depuis son très bon match face à Terunofuji (bien qu’il avait quand même perdu). Reste à voir si ces jeunes rikishis pourront vraiment peser dans les débats. Pour l’instant, il faut déjà qu’ils se stabilisent une place solide dans le milieu du banzuke.

  • Et le retour d’Asanoyama?

L’ancien ozeki faisait partie des grands espoirs du sumo, étant souvent considéré comme le meilleur à ce rang. Mais une lourde suspension dû au non-respect des règles liés à la Covid-19 l’a écarté du dohyo jusqu’en juillet prochain. Sans doute aurait-il été un des dangers pour Terunofuji. Malheureusement quand il reviendra, les choses auront beaucoup changées et il ne sera peut-être plus au niveau. Espérons l’inverse, et un retour des plus explosifs.

Cet article n’est évidemment pas exhaustif, et plusieurs très bons rikishis n’ont pas été évoqués (par exemple Hokutofuji, Kiribayama ou Onosho, même un retour d’Abi devra être à observer). Il s’agissait de dresser un portrait de ceux étant en meilleur forme et semblant le plus se frayer un chemin vers les combattants importants de cette nouvelle ère, maintenant que Hakuho a laissé une grande place vide. Il est toujours difficile de déterminer qui seront les prochains champions, d’autant plus dans le sumo, mais les lutteurs ici décrits sont sûrement ceux sur qui il faudra miser. Ou peut-être que cet article vieillira très mal, ce qui pourra être drôle : on aime toujours être surpris.

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