Cela fait maintenant plusieurs jours que la nouvelle de la retraite du Yokozuna Hakuhô est tombée, et que nous savons désormais qu’il deviendra Magaki oyakata. Si beaucoup craignent un désintérêt du public face au sumô depuis que son plus grand champion a raccroché, il faut, avant de se poser toutes ces questions, se remémorer ce que le natif d’Oulan-Bator nous a fait vivre. Car avec ses 1.424 combats, il a eu le temps de nous montrer le meilleur que ce qu’un lutteur peut offrir.
Nous avons donc choisi 5 combats qui ont fait de Hakuhô la légende qu’il est aujourd’hui. Nous avons choisi de ne pas montrer plusieurs combats face à un même rikishi : nous aurions pu aisément mettre pleins de matchs de très grandes qualités face à son grand rival Asashoryû, mais nous avons préféré traverser la longue carrière (20 ans !) de Hakuhô, montrant les grands évènements qui nous ont marqués, et que nous avons rangés par ordre chronologique. Rappelons que cette sélection n’est pas exhaustive, mais qu’un top 10 aurait risqué de nous faire nous répéter.
Vous auriez raison de vous dire que ce combat n’est sûrement pas un des plus mémorable de la carrière du Yokozuna, mais il a une certaine portée nostalgique : c’est le plus ancien de ses combats que l’on peut trouver en ligne. À l’époque en division Sandanme, il participe à son huitième bashô et espère une victoire de plus pour être kachi-koshi. On retrouve un Hakuhô qui ne paye pas de mine, au physique étonnant pour un lutteur de sumô, mais qui va utiliser la ruse et une henka maligne pour mettre à terre son adversaire. On peut sourire en pensant aux spectateurs qui l’ont vu en direct, sans se douter que ce jeune mongol deviendra le plus grand champion de tous les temps. C’est une chance de pouvoir aujourd’hui voir ses premiers matchs et de se rendre compte quel chemin il a parcouru.
Deux ans plus tard, il est Maegashira #1 et affronte le Yokozuna Asashoryû, le rikishi le plus dangereux à l’époque. Hakuhô avait la veille battu l’ôzeki Kaio (et battra le lendemain un autre ôzeki, Chiyotaikai), c’est donc un tournoi où les yeux sont rivés sur lui : il a battu presque tous les san’yaku. Et il est maintenant temps de prouver sa valeur face au Yokozuna qui l’a déjà battu lors du dernier tournoi.
On peut voir Hakuhô en difficulté, très vite propulsé au bord du dohyô mais dont la solidité lui permet de rester debout et d’inquiéter son adversaire. Nous le verrons, sa défense a toujours été une grande arme. Il viendra à bout d’Asashoryû en 10 secondes, en l’esquivant alors que ce dernier ne cessait de le pousser. Le Maegashira #1 remporte son kinboshi (médaille d’or reçue par un maegashira lorsqu’il bat un Yokozuna) et sera promu Komusubi lors du prochain tournoi. Ce combat va lancer la grande rivalité entre les deux lutteurs mongols, qui se livreront des affrontements impressionnants, que nous vous invitons à (re)voir sur YouTube.
Si Hakuhô n’a pas remporté ce match, on peut souligner la grande qualité de sumô qu’il a offert pendant ce qui était le dernier combat du bashô. Il affrontait l’ôzeki Harumafuji, qui était alors à 14-0. Avec une défaite, le Yokozuna espérait le battre pour avoir droit à un play-off. Malheureusement, il n’y parviendra pas, mais la bataille fût au rendez-vous. Les deux hommes passent un long moment presque immobiles, chacun attrapant le mawashi de l’adversaire, n’osant pas risquer de trop grands mouvements. Alors que le public est en feu, c’est Harumafuji qui prendra l’initiative : par deux fois il va amener son opposant au bord du dohyo, mais la défense de Hakuho lui permettra de rester dans le match, alors même que l’ôzeki semblait mettre toute sa force. Il s’en fallut de peu. Sa tête ne trompe pas : l’effort pour résister est immense. C’est finalement avec un shitatenage qu’il tombera par terre, laissant s’échapper un nouveau titre et permettant à son compatriote de devenir Yokozuna.
Il est bon de rappeler que Hakuhô n’était pas invincible, mais encore mieux : même dans la défaite il offrait des performances de légende. Cette façon de ne pas abandonner même en grande difficulté révèle un mental de grand champion.
Après 32 tournois remportés, le mongol avait égalisé le record de Taiho, légende des années 50-60. Il combattait alors pour dépasser ce record. Lors de la dernière journée, il est à 14-0, et est certain de repartir avec la Coupe. Il affronte alors l’autre Yokozuna Kakuryû. Hakuhô parvient à imposer son rythme tout en prenant son temps, et tente quelques offensives. La dernière sera la bonne, et il rentre à jamais dans l’histoire de la discipline en devenant le rikishi le plus titré, et sûrement le plus dangereux pour ses adversaires, sachant s’adapter à chacun d’eux. Aujourd’hui, ces 33 yushô sont bien loin des 45 qu’il aura réuni pendant toute sa carrière.
Ce combat est ici plus de l’ordre de l’anecdote que de la performance sportive, mais symboliquement il est très fort. Hakuhô savait que ce serait sûrement son dernier tournoi, et il voulait absolument atteindre une victoire à deux chiffres lors de ce Nagoya Bashô. Lors de cette dernière journée, il réussira cet objectif en se défaisant rapidement d’Okinoumi via un yorikiri. Le Yokozuna révèlera plus tard que c’est après cette confrontation qu’il décidera de la fin de sa carrière. Bien que rien ne soit ici visible de l’extérieur, voir ce combat et imaginer ce que Hakuhô pensait à ce moment ne peut apporter que nostalgie.
Justement, voici le combat qui lui a permis d’atteindre ce chiffre à peine croyable. Il y a de cela quelques mois, à la fois Hakuhô et Terunofuji sont à 14-0. Le vainqueur remportera donc le tournoi. La situation est spéciale pour notre ami Davaajargal (de son vrai nom), car après plusieurs absences l’Association de Sumo commence à faire entendre qu’elle pourrait l’inviter à la sortie. Il doit alors montrer qu’il mérite encore sa place.
Les deux lutteurs se prêtent à des combats de regard intenses avant de lancer les hostilités. Et directement, Hakuhô montre sa large palette, enchaînant à la fois des coups, des gifles (slaps-thrusts) ou des prises à la ceinture (belt grips). On sent qu’il a l’avantage sur son adversaire, et cette tendance se vérifiera rapidement puisqu’il réussira à faire tomber Terunofuji avant de lancer un cri de satisfaction rare dans le sumô où on attend des lutteurs de l’humilité et de la stoïcité. On comprend à quel point cette victoire était importante, victoire qui lui permet d’ailleurs de remporter son 16èmezensho-yushô (tournoi sans la moindre défaite). À l’époque on ne savait évidemment pas que ce combat serait le dernier de l’immense légende. Aujourd’hui, il prend alors une saveur particulière, et il restera encore plus dans nos mémoires, au même titre que tous les autres. C’était la dernière fois où Hakuhô nous a fait rêver, nous montrant que même à son âge il pouvait rester le meilleur. À jamais.
En bonus, nous vous invitions à regarder le dohyô-iri de Hakuhô, peut-être un des plus imposants et puissants que nous ayons eu la chance de voir. Car en plus d’un grand sportif, le rikishi avait aussi une grande stature et une autorité naturelle.
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J'aime beaucoup!
Bravo à l'écrivain, un grand talent sale.
Bisous
VB